TRANSMUTER

  Au cours de sa vie, chaque homme est amené à faire face à des problèmes de toutes sortes ou à traverser des épreuves difficiles. Personne n’y échappe. Et parmi ces épreuves, certaines, très douloureuses, sont inévitables, telles que la mort d’un être cher, par exemple, ou bien la maladie, la nôtre ou celle de nos proches. D’autres, plus spécifiques, rares et compliquées, surviennent un peu comme des malédictions. Du moins, elles sont considérées comme telles par ceux qui les traversent. Par exemple, ils peuvent souffrir des suites d’une agression physique ou morale, des horreurs d’une guerre, du traumatisme d’un accident ou d’une catastrophe…

  Dans ces cas extrêmes d’épreuves très particulières, il est évidemment préférable d’être doté d’un mental fort, afin de pouvoir faire face le mieux possible aux événements.

  Or, peu de gens sont dans ce cas. Le fait est qu’avant de se retrouver confronté à ce genre d’événements traumatisant, personne ne sait comment il réagira à l’instant critique. Certains individus se sont découverts courageux après en avoir sauvé plusieurs autres lors d’un attentat terroriste, par exemple.

  Comment expliquer qu’en pareille situation extrême certaines personnes, parfois blessées physiquement, sont capables de garder leur sang-froid ? Pendant ce temps, d’autres, totalement indemnes, restent en état de sidération, incapables qu'ils sont du moindre mot et du moindre geste. Les uns sont-ils plus courageux que les autres ? Plus empathiques ? Moins émotifs ? Rien n’est moins sûr.

  Un autre point de vue sur le sujet apparaît plus plausible : les premiers ont l’habitude d’aller de l’avant dans leur vie de tous les jours. Ils sont parfaitement déterminés, et ceci quoiqu’il arrive. Dans le meilleur des cas, ils pratiquent régulièrement l’empathie. Ils vont parfois jusqu’à mettre leur existence tout entière au service des autres. Au fur et à mesure de leurs expériences, ils acquièrent une parfaite maîtrise de leurs émotions.

  Lorsque ces trois conditions sont réunies, détermination, empathie et maîtrise des émotions, alors au moment crucial d’affronter quelque chose d’extrêmement éprouvant, l’action à mener en la circonstance est presque devenue un réflexe. La notion de courage en devient même anecdotique dans la bouche de ceux qui en ont pourtant fait preuve. Il suffit d’écouter les témoignages de personnes qui en ont sauvé une ou plusieurs autres. Presque toutes vous diront qu’elles n’ont fait que leur devoir, qu’elles ont agi sans réfléchir, comme mues par une forme d’instinct.

  Prenons l’exemple d’une personne victime d’agression par un individu armé d’un couteau dans une rame de métro. Quelqu’un intervient spontanément pour venir à son secours, pendant que toutes les autres restent immobiles. Est-ce à dire que celle qui agit est plus courageuse que les autres ? Moins peureuse ? Moins égoïste ? Plus empathique ? Sans doute pas.

  Ce que l’on nomme « détermination », « empathie » et « courage » s’acquièrent au fil du temps, au fur et à mesure des expériences de notre vie, en commençant par les plus personnelles d’entre elles.

  En effet, il faut un certain courage pour affronter une maladie, un accident, un divorce, une perte d’emploi… Et plus l’affection ou l’accident est grave, plus le divorce est difficile, ou la perte d’emploi soudaine, plus il faut de vaillance pour surmonter l’épreuve. Pour cela, il faut être capable de maîtriser sa peur, de la mort, de la solitude, de l’avenir… et cela aussi se travaille.

  Concernant l’empathie : un minimum est indispensable pour venir en aide aux autres lorsque c’est nécessaire. Pour cela, il faut être capable de se décentrer de soi-même de temps à autre, tout en prenant conscience que nous sommes tous UN et que par conséquent, la souffrance des autres nous affecte autant qu’elle les touche dans leur corps ou leur esprit.

  Quant aux émotions, il convient également de travailler à les maîtriser au quotidien. Les émotions et sentiments ne sont pas quelque chose de négatif, bien au contraire, car ils sont les émanations de notre cœur relié à notre âme, donc à l’univers, à l’infini, à Dieu, et aux autres. Mais ils demandent à être canalisés pour ne pas déborder, et sortir ainsi du cadre de leurs fonctions.

  Tandis que nos actions sont l’expression de nos intentions manifestées par nos esprits intelligents et raisonnants, nos émotions et sentiments, quant à eux, sont la production spontanée de notre âme. Ils nous sont extrêmement précieux.

Toutefois, ce n’est pas pour autant que nous devons les laisser s’exprimer de manière anarchique, faute de quoi s’installe un déséquilibre, ce qui peut nous conduire parfois à agir à l’exact opposé de ce qui est bon pour nous.

  Prenons un exemple : une femme est sous l’emprise toxique de son conjoint, qui lui fait subir régulièrement des violences physiques et verbales. La pauvre victime en souffre énormément. Elle sait que la meilleure solution pour elle est de quitter cet homme. Elle sait aussi pouvoir bénéficier de l’aide de ses proches pour cela. Toutefois, elle éprouve encore pour lui cet amour profond des débuts, lorsqu’il se comportait encore correctement avec elle. Mais elle sait parfaitement également que si elle ne parvient pas à maîtriser son sentiment d’amour envers cet homme, elle est perdue.

  Autre exemple : un psychothérapeute, évidemment habitué à recevoir en son cabinet des individus psychiquement perturbés, à différents stades. Un jour, il doit recevoir en son cabinet une jeune victime de sévices particulièrement atroces. En toute sa carrière, il n’a jamais entendu parler d’une telle violente perversité. Le récit de sa patiente ne peut le laisser indifférent, et le plonge même spontanément dans une profonde tristesse mêlée de dégoût. Cependant, il va immédiatement reprendre ses esprits. Il va réussir à maîtriser ses émotions, avec l’arrière-pensée automatique que s’il ne le fait pas il lui sera impossible d’aider sa patiente.

  L’univers connaît très précisément notre chemin de vie. À cet égard, il sait mieux que nous de quoi nous sommes réellement capables. Il sait aussi ce qu’il nous reste encore à travailler pour cela.

  Il semblerait que chaque épreuve de notre existence, de la plus anodine à la plus importante, nous aide à nous préparer aux suivantes, plus éprouvantes encore. Aussi, n'hésitons pas à affronter ces obstacles avec courage, foi, et l'assurance que pour cela nous recevrons l'aide de l'univers.

  L’empathie se travaille. Le courage se travaille. La maîtrise des émotions se travaille. Au quotidien.

  Transmuter les événements de notre vie s’avère indispensable. Mais que signifie « transmuter » ? Au sens premier, cela veut dire transformer une substance en changeant sa nature.

  La transmutation des émotions est, plutôt que de subir celles-ci, de les regarder en face, de les accepter, avant de les analyser, de les expliquer, pour mieux les laisser repartir et les remplacer par quelque chose de positif.

  Reprenons l’exemple de la femme victime d’un conjoint violent. Finalement, elle a réussi à quitter son tortionnaire. Toutefois, la douleur est encore extrêmement vive, d’autant que l’attachement est toujours là. Pour se libérer de ce sentiment d’amour qui la blesse, ce qui en soi n’est pas normal, l’amour étant par nature libératoire et réjouissant, elle va devoir y faire face courageusement. Elle devra se demander pourquoi ses sentiments sont toujours aussi forts, alors que sa situation amoureuse actuelle n’a plus rien à voir avec celle qu’elle a vécue tout au début de son couple. Elle va sans doute se rendre compte, peut-être avec l’aide d’un psychothérapeute, que ce qu’elle pensait être de l’amour n’était en réalité que de la dépendance affective. En toute logique, elle va se demander d’où vient cette dépendance, sa raison d'être, et par quel mécanisme elle en est arrivée à supporter pendant plusieurs années une situation complètement anormale et inadmissible.

  Quand elle aura enfin compris que les ajournements répétés de sa décision étaient liés à la peur de l’abandon héritée de son enfance, elle parviendra peut-être enfin à s’en libérer complètement. Toutefois, parvenue à ce stade, sa tâche ne sera pas terminée, car il lui faudra encore transmuter ses émotions pour en produire quelque chose de positif.

  En se libérant de cette peur de l’abandon, elle va se libérer en même temps de sa dépendance affective, et avaliser la décision qu’elle a prise pour elle-même, sans aucun sentiment de culpabilité, de honte vis-à-vis de son ex-conjoint, ni de perte affective pour elle-même. Au contraire, elle éprouvera comme jamais et peut-être pour la première fois de sa vie un sentiment de liberté totale.

  Ainsi, elle aura réussi à transmuter tous ces éléments extérieurs négatifs qui l’empêchaient tout simplement de vivre.

  Quels sont ces objets de tristesse, de douleur, de doute, de honte ou de regret qui empoisonnent ton existence, et qui demandent à être transmutés pour que tu retrouves ta joie de vivre ?

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