un-jour-avant-le-jour

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Le rez-de-chaussée

 

   Une fois que nous avons construit des fondations solides en adoptant et en mettant en pratique le célèbre adage « un esprit sain dans un corps sain », notre esprit, justement, est plus équilibré et disponible pour laisser libre cours à son intuition créatrice. De même que notre source vitale n’est plus entravée par tous les nœuds énergétiques que nous avons réussi à supprimer, notre source créatrice ne retient plus son flux, et notre intuition, connectée à nos émotions exprimées à travers nos sens, s’exprime librement et avec force.

 

   C’est ce même instinct créateur qui préside à tout ce qui existe sur terre. C’est lui qui permet la germination d’une graine et sa croissance, l’expression singulière de la plante, au travers de ses formes et de ses couleurs spécifiques. C’est lui qui se manifeste à la vie à travers les cinq sens. Tout ce qui vit sur terre et dans le ciel est une palpitation permanente de la création en action. C’est par la vue que nous pouvons admirer les diverses couleurs des plantations, des arbres, de l’eau, du ciel. C’est grâce à l’ouïe qu’il nous est possible d’écouter les mélodies des rivières qui s’écoulent, des vagues qui fouettent les rochers, des oiseaux qui chantent. C’est par le nez que nous respirons les parfums des fleurs, de l’humus, de l’herbe tendre, de l’eau iodée. Au moyen du toucher que nous pouvons ressentir les textures des divers composants de notre espace de vie qu’est la terre : la roche, les plantes, l’eau, le sable… Et c’est à travers le goût que nous pouvons tester les saveurs naturelles, sucrées, salées, poivrées, acidulées, amères, douces-amères…

 

   La nature tout entière est d’une grande sensualité. Les animaux le sont aussi. L’animal reconnaît son environnement et se déplace grâce à ses sens, exprimés notamment à travers son flair et ses antennes, qui le préviennent des obstacles ou dangers, lui indiquent une proie à chasser ou un plan d’eau où se désaltérer. De même, lorsqu’il s’approche d’un autre membre de son espèce ou d’une espèce différente, l’animal le fait au moyen de ses sens, principalement celui de l’odorat. Ce sens est aussi pour lui une forme de langage, de même que le sont les expressions de son corps.

Par exemple, lorsqu’il y a rivalité entre deux mâles d’une même espèce, leurs corps respectifs dégagent une odeur particulière et significative due à des phéromones très actives. De même, les expressions de leurs corps transmettent des messages clairs. Ainsi également lors des parades nuptiales entre mâles et femelles. Des odeurs, des couleurs, des sons particuliers se manifestent, comme autant de messages à capter et à décrypter par chacun des individus.

 

   Intrinsèquement, l’être humain est aussi un être sensuel. Lorsqu’il ressent des émotions fortes comme la colère, la peur, l’amour, son corps sécrète, tout comme celui des animaux, des phéromones particulières, que les autres perçoivent le plus souvent de manière inconsciente, puisque les règles et conventions sociales leur ont appris à maîtriser leurs émotions en toutes circonstances. Ainsi, une personne ressentant de la colère envers autrui ne manifestera pas obligatoirement celle-ci, mais la cachera, même, parfois sous un faux sourire ou une attitude faussement calme et patiente, ce qui, en soi, peut avoir des conséquences aussi positives que négatives. Car, s’il n’est évidemment pas conseillé d’exprimer sa colère envers autrui de manière agressive, que ce soit verbalement ou physiquement, envoyer à son interlocuteur le message totalement inverse à celui que l’on aimerait lui transmettre ne l’est pas plus. Cela s’avère même extrêmement toxique, et pour soi-même, et pour celui qui le reçoit. Car du point de vue de l’individu récepteur, surtout s’il est hypersensible, le message passera mal, un peu comme une station de radio lorsqu’il y a des interférences. Cette personne éprouvera une forme de malaise, qu’elle occultera, la plupart du temps, mais qu’elle intègrera tout de même, ce qui faussera la relation. Par conséquent, il serait bon pour les deux parties, et afin de préserver la paix, qu’une fois éloigné de la source de la colère, celui qui la reçoit de manière subtile, puisse tout de même évacuer celle-ci de son corps, d’une façon ou d’une autre. Pour dissiper leur colère, certains choisissent de se défouler sur un punching-ball ou à travers une quelconque activité dans une salle de sport ou en plein air, d’autres préféreront l’exprimer sous forme de mots, prononcés ou écrits. Quoi qu’il en soit, l’énergie négative accumulée et amplifiée par le fait de ne pouvoir exprimer une colère aura besoin d’être extériorisée, faute de quoi elle s’installera dans la durée, provoquant une aigreur permanente qui pourrait même se manifester à travers toutes sortes de maladies.

 

   Les personnes hypersensibles ressentent immédiatement la fausseté des paroles qu’on leur adresse. D’ailleurs, à propos de cette notion d’hypersensibilité, je me demande s’il ne serait pas préférable de parler plutôt d’êtres hyper connectés à leurs sens. Car nous sommes tous doués de sensibilité. Malheureusement, nous n’y prêtons pas suffisamment attention. Les personnes dites « hypersensibles » entendent le message subliminal envoyé par quelqu’un qui les jalouse, par exemple, et qui pourtant les flatte, concernant telle ou telle réussite professionnelle, sociale, amoureuse, familiale... Si la personne intéressée leur propose une coopération quelconque, elles suivront donc leur intuition qui leur dicte de répondre par la négative et de s’éloigner très vite de cette personne fausse. Nombre d’ennuis pourraient nous être ainsi évités, si nous étions suffisamment connectés à nos cinq sens, lesquels interviennent presque toujours dans les situations importantes de notre vie. Malheureusement, la plupart du temps, l’être humain a oublié ce pouvoir naturel qu’il a de déterminer la nature positive ou négative des éléments et des personnes qui l’environnent, contrairement à ce que font les animaux de manière naturelle. Une gazelle qui flaire l’approche d’un guépard ne va pas rester à attendre son prédateur, elle va fuir. L’être humain face à un ennemi qui maquille ses émotions pour cacher ses véritables intentions, non. Avec toutes les conséquences négatives que l’on imagine.

 

   En perdant le contact avec la nature, l’être humain a perdu en même temps cette faculté extraordinaire qu’il possède pourtant naturellement de percevoir la réalité des êtres et des choses. Tout simplement parce qu’il a perdu le contact avec ses sens. Il s’est bridé lui-même en se coupant de son milieu naturel. L’espace de béton et de matières mortes aux odeurs et couleurs artificielles dans lequel il évolue a peu à peu tué en lui sa faculté d’accéder à ses sens. D’autres sens, fictifs ceux-là, semblent lui avoir été greffés, ou sont même apparus spontanément, au fur et à mesure de son adaptation forcée à son nouvel environnement. Au point que parfois, il devient même allergique à certaines substances naturelles, parce que son corps n’y est plus habitué depuis des générations.

Quels sont donc ces sens fictifs ?

– Une vue restreinte, plus rapprochée, adaptée à la proximité des écrans devant lesquels il passe la plupart de son temps,

– un odorat falsifié pour cause d’aspersions répétées de particules nocives dans l’atmosphère, ajoutées à l’utilisation quotidienne de produits chimiques à l’intérieur de sa maison,

– un goût perturbé, pour les mêmes raisons, 

– une audition amoindrie ou détériorée par les nuisances sonores, augmentées de l’utilisation habituelle de casques auditifs, 

– un toucher pratiquement inexistant, du fait, tout simplement, de la non utilisation de ce sens tactile pourtant important.

 

  Notre rapport sensitif au monde extérieur n’est plus du tout le même que celui qu’il était aux origines, lorsque l’humain ne bénéficiait pas de tous ces appareils sophistiqués très performants qui le dispensent du moindre effort, et surtout le privent de l’expression naturelle de ses sens. Nous avons perdu le contact avec la nature. Or, l’essence même de la création se nourrit de l’utilisation quotidienne de nos cinq sens, selon leur manifestation originelle et authentique. Ce sont nos émotions qui gouvernent notre intuition créatrice, et non nos questionnements, démonstrations et développements intellectuels. Pour illustrer la pensée créatrice afin de mieux l’expliquer, on pourrait dire qu’à un moment donné, celle-ci apparaît spontanément et rapidement, ainsi que le fait une impulsion électrique. Et c’est seulement après que vient l’appel à notre raison, en vue du façonnement de nos œuvres de manière intelligente et structurée.

 

  Si au contraire nous mettons la charrue avant les bœufs en adoptant le schéma inverse, alors nous reproduisons ce qui existe déjà, et non une œuvre originale qui nous ressemble. C’est pourtant ce dernier scénario qui est le plus souvent adopté de nos jours. Nous reproduisons, et reproduisons, encore et encore, ce qui existe déjà, parce que c’est plus facile, plus accessible, parce que c’est moins fatigant et plus sécurisant. Nous l’améliorons, parfois, il est vrai, mais quoi qu’il en soit, notre œuvre ne porte pas notre signature, elle n’est que la pâle copie d’une autre. Et nous oublions, souvent même nous étouffons dans l’œuf cet instinct créateur qui bouillonne pourtant en nous et ne demande qu’à jaillir, comme jaillit un jour ou l’autre la lave d’un volcan endormi depuis des lustres. Parce que c’est l’âme et la raison d’être d’un volcan d’exploser un jour et de laisser s’écouler cette lave porteuse de vie et de substances créatrices insoupçonnées, encore jamais révélées.

 

   L’humanité a perdu la part instinctive de son âme, et c’est malheureusement ce qui est en train de la perdre. L’homme, qui par nature est un être vivant à l’instinct grégaire, est devenu un être solitaire, dans le mauvais sens du terme, c’est-à-dire un simple corps animé ayant perdu de vue l’idée qu’il est un être vivant connecté à la nature et aux autres êtres vivants. Il a oublié qu’il est doté de cinq sens, qu’il doit utiliser, sous peine de s’étioler et de perdre sa raison d’être, qui est ni plus ni moins que d’être, tout simplement. Et la manifestation de cet être passe par la création.

 

   Il m’apparaît urgent pour l’être humain de se rappeler qui il est, non pas un robot sans âme, soumis aux lois artificielles d’un monde aux sens fabriqués, mais un être de chair et de sang, d’essence divine, au même titre que tous les êtres vivants existant sur la planète. L’heure est venue pour lui de réaliser qu’en tant que tel, il a quelque chose d’unique et de personnel à manifester dans la matière, pour sa propre évolution et celle de l’ensemble de l’humanité. Il lui faut reprendre contact avec ses cinq sens, car ceux-ci sont les vecteurs de ses émotions, lesquelles ont été étouffées par des siècles d’un esclavage technologique qui l’empêche aujourd’hui d’exprimer son être authentique.

 

   Au plus profond de lui-même, il est conscient de cet état de fait. Il le sait de manière intuitive. Il lui suffit d’observer le comportement d’un petit enfant pour se rendre compte aussitôt qu’il n’a plus la même spontanéité ni la même joie de vivre. En effet, quand un bébé vient au monde, ses cinq sens sont hyper activés, et c’est principalement ce qui lui permet d’exprimer ce qu’il ressent, avant d’apprendre à maîtriser l’art du langage. Il pleure quand il ressent la faim, quand il est mouillé ou fatigué. Il reconnaît les intonations de voix de son père, qu’il percevait déjà très bien lorsqu’il était encore dans le sein maternel. Il reconnaît entre mille l’odeur de sa mère, ce qui le sécurise en le replongeant instantanément dans l’atmosphère intra-utérine. Il est très sensible au toucher, il a besoin d’être cajolé et caressé pour évoluer normalement. Il éclate de rire pour un rien. Lequel d’entre nous, en tant qu’adulte, peut dire aujourd’hui qu’il éclate encore de rire pour un rien ? Ce qui est bien dommage, car le rire est extrêmement bénéfique.

 

   Puis, quand le petit est un peu plus grand mais qu’il n’a pas encore fait l’acquisition du langage, il est invité, en tout premier lieu, que ce soit au sein de sa famille ou à la crèche, puis à l’école maternelle, à appréhender le monde au moyen de ses cinq sens. On lui apprend à reconnaître les couleurs, les sons, les odeurs, les goûts, les textures. Le petit d’homme palpe le monde avec joie, spontanéité et une curiosité toujours affûtée et grandissante. Si l’on prend le temps de l’observer, on peut très vite constater qu’il est heureux en tout ce qu’il expérimente. Il est parfois si concentré sur ce qu’il fait qu’on a l’impression qu’il n’est plus avec nous, qu’il est dans un autre monde. Alors qu’en réalité, c’est nous qui ne sommes pas avec lui, nous qui sommes dans un autre monde. Lui palpe l’instant, vraiment, intensément, et en cela l’on peut dire qu’il vit véritablement, qu’il expérimente la pleine liberté et la joie de vivre. Il est maître du temps, puisque qu’il n’en a pas la moindre conscience. Pour lui, la vraie réalité est ce moment présent qu’il est en train d’explorer, sans attente ni but.

 

   Pour un petit enfant, hier et demain sont des notions abstraites qu’il ne comprend pas. Ce n’est que vers l’âge de quatre ou cinq ans qu’il commence à s’intéresser vaguement à la notion de temps. Avant cela, et dès qu’il maitrisera un peu mieux le langage, il vous dira parfois : « j’ai fait ceci ou cela hier », pour évoquer quelque chose qu’il a effectué une heure avant, et inversement, pour la simple raison que pour un enfant, la notion de « passé » et de « futur »n’a pas de réalité dans l’instant. Son cerveau intelligent lui dicte pourtant l’idée de s’adapter au langage de ses parents et des adultes en général, mais pendant cette période de la petite enfance, il a du mal à manier ces subtilités temporelles. Il est inutile alors de prononcer devant lui ce style de phrase : « nous ferons ceci demain ou tout à l’heure », car celle-ci n’aura aucun sens pour lui. C’est d’ailleurs pourquoi, pour habituer le petit enfant à la notion de temps, l’on utilise plutôt des images qui ont une réalité tangible à ses yeux. L’on préfèrera lui dire, par exemple, pour le faire patienter : « nous partirons en vacances dans trois dodos ».

 

   Le petit enfant est tout entier dans l’instant. Sa vie n’est qu’exploration et apprentissage, mise en application de ses découvertes, en toute innocence, joie et spontanéité. L’enfant ressent tout en profondeur, à chaque instant, et c’est ainsi qu’il découvre ses émotions. Quand il évolue dans un environnement affectif sain et sécurisant, l’enfant est naturellement libre et heureux.

 

   Hélas, entre la période de l’enfance et celle de l’adulte, il s’est passé énormément de choses. Peu à peu, l’enfant devenu adulte a oublié toutes ces sensations de vie, au fil des obligations et interdits qu’on lui a imposés, en faisant intervenir en tout ce qu’il fait cette notion de temps que l’on peut gagner ou perdre, ce temps qui se compte en argent, et qu’il faut donc à tout prix maîtriser et même optimiser.

 

   En perdant le contact avec la nature, ses sens et ses émotions, l’être humain adulte a égaré aussi son âme d’enfant, c’est la raison pour laquelle il a perdu en même temps son instinct créatif, ou, si celui-ci est toujours présent, il est bien trop cadenassé pour pouvoir être pleinement manifesté dans la matière. Fondamentalement, même s’il a perdu le contact avec elle, l’être humain est connecté à la nature. Si son esprit a perdu de vue cet état de fait, son âme, elle, le ressent toujours, elle n’a jamais cessé de le ressentir. C’est ce qui provoque un déséquilibre en lui, une dichotomie entre, d’une part, ce qu’il est devenu d’un point de vue social, et son être authentique d’autre part, fait de sensations et d’émotions, seules capables de le rendre heureux.

 

   Il me semble important, vital même, pour l’être humain, de se reconnecter pleinement à la nature. D’en « palper » véritablement chaque élément, spontanément, sincèrement, intensément, avec l’intention non équivoque de la comprendre et de dialoguer avec elle. La nature nous nourrit, nous aide et nous guide, il apparaît donc logique et bénéfique pour nous de ne négliger aucun de ses aspects. Laissons donc s’exprimer de nouveau notre enfant intérieur, notre vrai soi, celui que nous avons été un jour et qui savait comment aimer la vie et ses manifestations naturelles. Retrouvons les sensations, les émotions authentiques, celles qui nous reconnectent à notre vraie nature, celles qui réveillent et dynamisent notre instinct créatif. Car fondamentalement, nous sommes des êtres créateurs, nous avons besoin de concevoir et de faire pour exister. Se priver de ce pouvoir de création, c’est un peu se déposséder de soi-même.

 

   Il suffit d’observer le visage d’un artiste ou d’un artisan en plein travail pour comprendre combien la création est vectrice de bonheur. Ainsi que le petit enfant qui découvre la vie, l’artiste est si absorbé par son œuvre qu’il en oublie le temps. Comme lui, il fait l’expérience de cette intemporalité qui rend heureux.

 

   L’être humain n’a pas toujours pleinement conscience de l’importance d’exercer son talent créatif, et pourtant, le faire est capital pour une vie heureuse et épanouie, et pour lui-même, et pour l’ensemble des membres de la communauté avec laquelle il interagit. En d’autres termes, pour qu’un groupe, une société, un pays, le monde entier se porte bien, soit heureux et en paix, il est nécessaire que l’individu le soit, en ses qualités et compétences particulières. L’équilibre du monde passe par l’équilibre individuel, et la création mise en œuvre par chacun est l’expression de cet équilibre ou, au contraire du déséquilibre, eux-mêmes étant les résultantes logiques d’un sentiment de bien-être ou de mal-être individuel. 

 

 

 



21/01/2023
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