HONNÊTETÉ

  Pourquoi l’honnêteté figure-t-elle parmi les qualités morales les plus élevées et les plus importantes ? Et que sous-entend-elle ?

  En premier lieu, force est de constater que l’honnêteté envers soi-même est à la base de toute relation humaine satisfaisante et durable. Pourquoi cela ?

  Raisonnons par l’inverse : être malhonnête envers soi signifie que l’on se ment à soi-même. Autrement dit, l’on refuse d’accepter une ou plusieurs vérités dérangeantes à propos de soi. L’on préfère rester dans le déni de ses défauts, de ses erreurs, de ses manquements, de ses trahisons... De tout ce qui constitue ce que l’on a coutume de nommer « zones d’ombre ».

  Or, si l’on est incapable de regarder en face ses zones d’ombre, a fortiori comment pourrait-on les dévoiler aux autres ? L’on se sentirait coupable et beaucoup trop honteux pour accepter de les étaler au grand jour. Aussi, on leur ment, à ces autres, on leur cache la vérité de ces événements peu glorieux qui pourraient ternir notre image.

  Le résultat inéluctable est qu’en agissant ainsi l’on finit par s’isoler des autres, particulièrement des personnes que l’on chérit le plus. En effet, si ces dernières apprennent la vérité par une autre source, ce qui arrive souvent, elles se sentiront trahies, et risqueront fort de tourner définitivement le dos à leurs dissimulateurs. Si au contraire elles restent dans l’ignorance à propos des faits, bien souvent c’est le menteur lui-même qui, tôt ou tard, finira par s’isoler, rongé par la culpabilité. Or, plus il aura laissé passer de temps, plus il aura fait durer le mensonge. Il se sera peut-être même trouvé contraint d’ajouter du mensonge au mensonge pour préserver ce qui sera devenu alors un secret inavouable, voire un tabou. Et à chaque nouveau mensonge, sa culpabilité grandira encore.

  Finalement, il se retrouvera dans une situation sans issue. Car le mensonge sera devenu si énorme, si compact, si envahissant et si lourd, qu’à un moment donné il lui paraîtra impossible d’avouer la vérité. En effet, les fils de ses mystifications seront si emmêlés qu’il en viendra à se perdre lui-même dans les nœuds. Il pensera alors qu’avouer la vérité lui ferait tout perdre irrémédiablement. Ce qui est probablement vrai, au demeurant. En effet, comment pourrait-on faire encore confiance à une personne qui a menti sur elle-même pendant toute sa vie ou une grande partie de sa vie ? La victime du mensonge aura alors l’impression de se retrouver soudain devant un inconnu, ce qui est très déstabilisant et peut être choquant, voire traumatisant.

  Dans certains cas, si la victime de l’illusion est suffisamment résiliente et généreuse, elle réussira à pardonner, si toutefois le falsificateur se repent de ses actes. Mais il est certain que la reconstruction de la relation ne pourra pas se faire avant longtemps. Le colmatage du lien, si celui-ci est souhaitable et prévu par le Divin, sera aussi long et difficile que le mensonge aura duré dans le temps.

  C’est pourquoi il est extrêmement important de toujours se montrer honnête envers soi-même, en acceptant ses qualités et ses défauts, en ne craignant pas d’avouer ses erreurs, et en parlant toujours aux autres avec la plus grande franchise, ce qui est une grande marque de respect.

  S’accepter tel que l’on est avec courage s’avère primordial. Cela démontre la confiance en soi et une certaine force de caractère. Deux qualités qui vont d’abord aider le soi à évoluer par lui-même et pour lui-même, et ensuite favoriser les échanges avec les autres, car alors l’on ne craindra plus de montrer son vrai visage, sans se sentir obligé de le dissimuler sous un masque.

  Prenons l’exemple d’un homme très timide qui tombe éperdument amoureux d’une femme. Sa timidité est due au fait qu’il est très complexé, pour diverses raisons, la timidité elle-même faisant partie de la liste de ses complexes. Car selon lui, et surtout selon son modèle parental et l’éducation paternelle qu’il a reçue, il est convaincu que la timidité est une marque de faiblesse. Un homme viril se doit d’être sûr de lui, et de faire preuve de force, de courage et de volonté, d’abord pour se faire une place dans la vie, et aussi pour avoir une chance de plaire à une « vraie femme ». En cela, il accumule sans le savoir autant de clichés que ce qu’il considère en lui de défauts.

  Ainsi, pour aborder cette femme qui lui plaît vraiment beaucoup, il ne se verra d’autre solution que de porter le masque de l’homme viril susceptible de la séduire. Et c’est donc l’attitude qu’il adoptera, en forçant même un peu sur le caractère. Le fameux courage indispensable pourra s’illustrer par un « rentre-dedans » des plus désagréables. L’autorité se changera en autoritarisme. La force se manifestera par un comportement irrespectueux… Toutes sortes d’attitudes inadaptées susceptibles de faire fuir définitivement sa belle plutôt que de l’attirer, pendant que lui-même sera persuadé du contraire.

  Alors qu’il aurait eu toutes ses chances avec elle s’il s’était tout simplement montré sous son vrai jour. Sans compter que beaucoup de femmes, contrairement à ce que certains esprits conservateurs pourraient encore le penser, trouvent tout à fait charmante la timidité masculine, et autrement moins repoussante qu’une attitude hautaine, méprisante ou déplacée.

  L’honnêteté est toujours la plus payante. Bien au contraire, la dissimulation, si elle peut paraître très confortable au premier abord lorsque l’on cherche à fluidifier ses relations avec les autres, s’avère trompeuse sur le long terme, embarrassante, culpabilisante et destructrice. Elle démontre elle-même ses limites, et finit toujours par éloigner les autres, parfois irrémédiablement.

  Dans ce cas, ne serait-il pas préférable et à long terme plus « rentable » de choisir l’honnêteté dès le début ?

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